17 jours sur les surfaces?

20 avril 2020
Valérie Borde, Centre Déclic

Concept d'entretien ménager avec produits de nettoyage Photo gratuit

Q : « Lors d’un reportage à la télé, on mentionnait qu’on avait retrouvé des traces du virus encore actif sur un bateau de croisière au Japon après 17 jours. Quelles informations scientifiques avez-vous sur le sujet? », demande Michel Lamontagne, de Québec.

On sait peu de choses des analyses réalisées sur le Princess Diamond, le navire de croisière mis en quarantaine au Japon début février, sur lequel 712 personnes parmi 3711 passagers et membres d’équipage ont contracté le virus. Ces analyses n’ont pas été publiées, mais seulement rapportées suite à une communication personnelle de chercheurs japonais aux Centers for Disease Control and Prevention. Selon la National Academy of Sciences américaine, 58 des 601 échantillons prélevés à différents endroits dans le navire contenait des traces de l’ARN du virus, et ces traces auraient été repérées jusqu’à 17 jours après le départ des passagers, dans les zones n’ayant pas été désinfectées.

Cela ne dit pas grand-chose de la persistance du virus, puisque les fragments d’ARN retrouvés ne sont pas forcément signe que le virus était encore infectieux. L’ARN ne constitue que le matériel génétique du virus, mais les protéines et autres molécules qui le constituent sont aussi nécessaires pour que le virus soit capable de pénétrer dans une cellule humaine.

Cela ne dit pas non plus quelle quantité de virus était encore présente ni où précisément, ni si cette quantité aurait été suffisante pour infecter une personne, ni combien de temps il aurait fallu que cette personne soit en contact avec cette surface infectée pour pouvoir s’en rendre malade.

Une seule étude, publiée le 27 février dans le New England Journal of Medicine, a évalué précisément le temps pendant lequel on pouvait retrouver des traces du virus actif sur différentes surfaces (les « fomites » dans le jargon des infectiologues).

Pour cette expérience, les chercheurs ont placé une solution contenant du SARS-Cov-2 dans un nébuliseur qui a projeté les fines particules émises sur des surfaces faites de quatre matériaux différents (cuivre, carton, acier inoxydable et polypropylène, une sorte de plastique) qu’ils ont maintenues entre 21 et 23 degrés et 40 % d’humidité pendant plus de 7 jours. Ils y ont aussi projeté une solution contenant le SARS-Cov-1, à l’origine de l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) survenue en 2003, pour pouvoir comparer les deux. Ils ont ensuite placé les échantillons recueillis régulièrement en surface au contact de cultures de cellules appelées VeroE6, souvent utilisées pour évaluer la capacité d’un virus à se répliquer dans des cellules humaines. Ils ont refait les expériences avec trois échantillons de chaque virus.

Les chercheurs ont trouvé que la quantité de virus actif avait diminué plus ou moins rapidement avec le temps selon les fomites, jusqu’à passer en deçà de la limite de détection après 4 heures sur la surface de cuivre, 24 heures sur le carton, 48 heures sur l’inox et 72 heures sur le polypropylène.

Ces chiffres ont été très largement repris pour annoncer la durée de survie du virus dans notre environnement. Beaucoup de gens les ont pris au pied de la lettre, sans comprendre qu’entre ces conditions expérimentales et la vraie vie, il y a un monde.

Par exemple, le nombre de virus projeté a son importance. Le nébulisateur ne reproduit pas exactement ce qui se passe quand une personne malade tousse ou qu’elle touche un objet. Toutes les surfaces qui nous entourent ne sont pas propres et sèches ni maintenues à température et hygrométrie constantes.

Même les cellules utilisées pour tester le potentiel infectieux ne sont pas de vraies cellules du système respiratoire humain et leur choix peut aussi avoir influencé le résultat : comme rapporté dans ce commentaire d’un chercheur britannique, sur d’autres virus, des cellules provenant de poumons humains ont été utilisées pour ce genre de test, et cela a fait une différence dans la durée pendant laquelle un virus a été jugé encore infectieux.

La méthode que les chercheurs ont utilisée est reconnue et leur publication a été jugée sérieuse par la communauté scientifique (elle ne s’est pas value de commentaires assassins de la part d’autres spécialistes). Il ne faut cependant pas oublier qu’il est toujours très hasardeux de tirer des certitudes d’une seule étude, dont les conditions expérimentales influencent grandement le résultat.

Au-delà des chiffres précis et de la méthodologie, cette étude est surtout très importante car elle indique que la stabilité du SARS-Cov-2 semble très comparable à celle du SARS-Cov-1, et que la possible transmission par le biais de surfaces (ce que les chercheurs appellent les « fomites ») doit donc être considérée dans la gestion de la pandémie, comme elle l’avait été avec le SRAS. C’est une donnée cruciale pour mettre son énergie à la bonne place, car tous les virus ne sont pas aussi stables dans l’environnement. Cela confirme que les messages sur le lavage des mains et la désinfection ne sont pas des paroles en l’air, et qu’il faut être très vigilant là où se concentrent les malades, comme dans les hôpitaux.

La COVID-19 suscite énormément de questions. Afin de répondre au plus grand nombre, des journalistes scientifiques ont décidé d’unir leurs forces. Les médias membres de la Coopérative nationale de l’information indépendante (Le Soleil, Le Droit, La Tribune,  Le Nouvelliste, Le Quotidien et La Voix de l’Est), Québec Science et le Centre Déclic s’associent pour répondre à vos questions. Vous en avez? Écrivez-nous. Ce projet est réalisé grâce à une contribution du Scientifique en chef du Québec, qui vous invite à le suivre sur Facebook, Twitter et Instagram et du Laboratoire de journalisme de Facebook.

Avec le soutien du Réseau de l’Université du Québec et des Fonds de recherche du Québec.