COVID-19 : La vitamine C peut-elle aider?

1er avril 2020
Valérie Borde, Centre Déclic

Les Vitamines, Agrumes, Citrons, Kiwi, Oranges

Q : « On nous a enseigné depuis longtemps que la vitamine C constituait un bon moyen de maintenir notre système immunitaire alerte et efficace. Pourtant, personne ne semble en parler actuellement. Comment expliquer cela? », demande Bertrand Bouchard, de Québec.

R : Pour prévenir la COVID-19, il ne sert à rien d’augmenter vos apports en vitamine C ou de prendre des suppléments, à moins de faire partie de la toute petite minorité de gens qui en consomment moins que les recommandations nutritionnelles. Si vous attrapez le virus, la vitamine C ne vous aidera probablement pas à vous en débarrasser. Et même les malades aux soins intensifs à qui certains médecins injectent des doses massives de vitamine C ont bien peu de chances d’être sauvés de cette manière.

Au Canada, moins de 3 % de la population a une carence en vitamine C, selon la dernière analyse de Statistique Canada. Si vous ne mangez jamais de fruits et légumes crus, ne buvez ni jus ni même de boissons à saveur de fruits et si vous fumez, alors peut-être faites-vous partie de cette petite minorité. Sinon, vous n’avez pas besoin de suppléments! La quantité de vitamine C que vous tenez de votre alimentation habituelle est parfaite pour votre système immunitaire. Même les gens âgés ne manquent pas plus de vitamine C que les jeunes.

Le système immunitaire n’est pas un muscle qu’on peut entrainer, mais un système ultracomplexe qui fait travailler ensemble de multiples cellules et molécules à l’intérieur de notre corps. Rien ne peut le « booster » : ni la vitamine C, ni le jeûne, ni quoi que ce soit d’autre. Les gens qui ont un système immunitaire qui réagit plus fortement aux infections ne sont pas avantagés : ils ont au contraire plus souvent des maladies inflammatoires et auto-immunes, liées justement au fait que leur système immunitaire est trop réactif.

Certes, la vitamine C, comme de nombreux autres nutriments, est mobilisée par le système immunitaire lorsqu’il combat une infection. Mais en prendre plus ne dope pas la réponse immunitaire. Prendre des doses massives de vitamine C ne change d’ailleurs pas grand-chose aux quantités que le corps retient et utilise. Au-delà d’un gramme par jour, au moins la moitié de la vitamine C ingérée est évacuée directement par l’urine! Quand bien même vous auriez plus de vitamine C dans le corps, cela ne veut pas dire que votre système immunitaire fonctionnerait mieux.

De multiples études ont été menées sur l’effet des suppléments de vitamine C sur le rhume. Leur compilation par la collaboration Cochrane, une coalition internationale de scientifiques qui réalise des méta-analyses de toutes les études déjà publiées, a montré que la supplémentation ne diminue pas le risque d’attraper cette infection. Certaines études ont trouvé que la vitamine C pouvait diminuer la durée (et non l’intensité) des symptômes, mais d’autres n’ont vu aucun effet curatif. On n’a pas non plus de preuve que la vitamine C réduirait le risque de pneumonie, selon une autre méta-analyse de la collaboration Cochrane.

L’idée que la vitamine C puisse aider à lutter contre le rhume et même contre les cancers a été lancée par le chimiste américain Linus Pauling dans les années 1970. Prix Nobel de chimie en 1954 pour ses découvertes sur la nature des liaisons chimiques entre les atomes, Pauling s’est ensuite improvisé clinicien et a réalisé plusieurs études sur la vitamine C qu’il a réussi à publier en jouant de son aura de Prix Nobel. Ses prétentions ont rapidement été contredites, car ses études étaient très mal faites et ne prouvaient strictement rien.

Mais l’idée était lancée, et les fabricants et vendeurs de suppléments et de jus se sont jetés dessus comme la misère sur le pauvre monde, flairant la bonne aubaine. La vitamine C, c’est très facile à fabriquer, et très payant! Beaucoup, beaucoup de gens se sont fait avoir par leurs prétentions répétées ad nauseam.

De multiples études sur la vitamine C ont été publiées depuis, mais les résultats se suivent et se ressemblent : dès lors que les études deviennent assez crédibles pour fournir des preuves solides, elles ne trouvent pas d’effet bénéfique à la vitamine C autre que pour la guérison du scorbut – la maladie causée par une carence en vitamine C. Ni les infections, ni les maladies cardiovasculaires, ni les cancers  ne peuvent être prévenus par la vitamine C.

Aucune étude ne permet de penser que la vitamine C pourrait prévenir la COVID-19. Mais pourrait-elle aider à guérir les malades?

En Chine, quelques médecins ont donné des doses massives de vitamine C à des malades de la COVID-19 dans un état critique. C’est maintenant au tour de médecins new-yorkais d’essayer. Mais dans les faits, aucune étude, même anecdotique, n’a rapporté de bénéfice à ce genre de traitement. Trouver que quelques malades se sont sentis mieux après ces injections ne prouve strictement rien, puisque l’amélioration de leur état de santé pourrait être liée à tout autre chose.

En février, des chercheurs chinois ont lancé un essai clinique sur les injections massives de vitamine C aux personnes en soins intensifs, essai dont les vendeurs et adeptes de la vitamine C se sont aussitôt fait l’écho. La rumeur a même couru que l’État de Shanghai avait rendu ce traitement obligatoire, ce qui est absolument faux! Lancer un essai clinique ne prouve pas que ce soit une piste particulièrement intéressante, surtout dans le contexte actuel ou des dizaines d’essais sur des médicaments et des produits naturels se sont mis en branle dans les dernières semaines, car le financement ne manque pas. Tant que les résultats n’ont pas été publiés, cela n’indique rien.

Si on se fie à une étude publiée en octobre dernier, les chances que cela fonctionne semblent même bien minces. Pour cette étude publiée dans le Journal of the American Medical Association, des chercheurs ont analysé les effets de l’injection de vitamine C à des patients en état de choc septique ou de détresse respiratoire aigüe, hospitalisés en soins intensifs dans sept hôpitaux américains. Aucun des 167 patients qui ont participé à l’étude n’était atteint de la COVID-19 puisque les analyses ont été menées entre 2014 et 2017, mais ils avaient le même genre de problèmes que ceux qui sont aujourd’hui frappés par le coronavirus. Du point de vue scientifique, c’est une expérience solide, puisqu’il s’agit d’une étude contre placébo, randomisée et en double aveugle. Résultat? L’injection de vitamine C n’a eu aucun effet.

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