Des huiles essentielles contre la COVID-19?

21 mai 2020
Jean-François Cliche, Le Soleil

Bouteilles d'huile essentielle isolés sur blanc.

Q : « J’ai lu récemment un article qui parlait d’une entreprise qui importait du thymol [ndlr : une molécule présente dans le thym] pour fabriquer un désinfectant contre le coronavirus. Le docteur Jean Valnet qui a écrit le livre Aromathérapie : traitement des maladies par les essences des plantes, utilisait trois fois par jour de trois à cinq gouttes d’huile essentielle de thym de qualité phytothérapique pour soigner différentes affections. Est-ce que l’huile essentielle de thym a été testée pour soigner la COVID-19? » demande Sylvain Allard, de Chicoutimi.

R : J’ignore si l’huile essentielle de thym ou de toute autre plante fait présentement l’objet d’essais cliniques pour en mesurer l’efficacité contre le coronavirus (si efficacité il y a, ce qui est très loin d’être acquis), mais si tel est le cas, les résultats ne sont manifestement pas encore disponibles. La Food and Drug Administration aux États-Unis a en effet émis une série d’avertissements ces dernières semaines contre des entreprises qui profitent de la peur engendrée par la COVID-19 afin de vendre des huiles essentielles, justement.

La plupart de ces sites Web présentaient une variété d’huiles essentielles, et pas forcément celle du thym (voir ici, par exemple), comme pouvant prévenir et/ou guérir cette nouvelle maladie. Une des lettres d’avertissement concernait un site qui, lui, proposait explicitement l’huile de thym blanc, et il a reçu le même avertissement que les autres : « Il n’y a présentement aucun vaccin, pilule, potion, lotion, pastille ou autre produit avec ou sans ordonnance pour traiter ou guérir la COVID-19. Ainsi, les prétentions citées plus haut [dans la lettre d’avertissement] ne s’appuient pas sur des preuves scientifiques compétentes et fiables. »

De manière générale, très peu d’études ont évalué les huiles essentielles en tant que traitement pour des infections respiratoires — comme l’influenza et les virus qui causent le rhume. Il existe beaucoup de travaux qui ont testé l’activité antimicrobienne de ces huiles en éprouvette, que ce soit sous forme de liquide ou de vaporisation en vue d’en faire éventuellement un traitement qui pourrait être inhalé. Et ces études concluent généralement que les huiles essentielles peuvent inhiber la croissance des bactéries ou des virus in vitro, mais la plupart des travaux n’ont pas dépassé cette étape. Quelques-uns en ont testé sur des animaux, et encore plus rares sont ceux qui l’ont fait « pour vrai » sur des êtres humains. Une revue de littérature parue en 2014 a qualifié leurs résultats de « prometteurs », mais n’a rien trouvé de bien convaincant non plus — les essais sur des humains étaient petits et pas toujours bien menés.

C’est d’ailleurs là une règle générale au sujet de l’« aromathérapie », cette discipline qui tente de soigner avec des huiles essentielles, constatait il y a quelques années le médecin et chercheur britannique Edzard Ersnt, qui a consacré sa carrière à évaluer l’efficacité (et souvent l’absence de) des médecines alternatives : les études hors des éprouvettes sont rares, le peu dont on dispose est d’une qualité souvent douteuse, si bien qu’en bout de ligne, concluait-il, « l’aromathérapie n’a pas d’efficacité démontrée pour quelque problème de santé que ce soit ».

 

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