COVID-19 : Épicerie ou achats divers et contamination

24 mars 2020
Valérie Borde, Centre Déclic

Supermarché, Plateau, Flou, Yogourt

Q : « Que dois-je adopter comme mesures de prévention pour la COVID-19 lorsque je reviens de l’épicerie? Dois-je laver les emballages et les fruits et légumes? Pourquoi ne nous dit-on pas quoi faire? » demande Nadine Maltais, de Québec.

R : La première étude sur la stabilité du virus sur des surfaces sèches, comme par exemple celles des emballages, a été publiée le 24 février dans le New England Journal of Medicine.

Les chercheurs ont pulvérisé un aérosol contenant le coronavirus sur différentes surfaces et ont regardé au bout de combien de temps il en disparaissait. Ils ont observé qu’il est encore détectable jusqu’à 24 heures sur du carton et jusqu’à trois jours sur une surface d’acier inoxydable ou de plastique.

On peut donc certainement retrouver des traces du virus sur les emballages des aliments qui viennent de l’épicerie. Et on peut supposer, même si ce n’était pas dans l’étude, que le virus résiste un certain temps sur les fruits et légumes.

Pour minimiser les chances de l’attraper avec votre épicerie, vous pouvez suivre la recette proposée par le chimiste Normand Voyer : d’abord, déposer toutes vos courses en un seul endroit en arrivant chez vous, puis vous laver les mains au savon et nettoyer avec un nettoyant ménager ordinaire les poignées que vous avez touchées, puis mettre des gants à vaisselle et passer à l’eau savonneuse tous les achats, les laisser sécher sur un linge et ranger ensuite au frigo ou dans les placards. Mettre directement les aliments au congélateur ou au frigo n’inactive pas le virus. Garder dans un coin les produits emballés dans du carton et les y laisser au moins 48 heures.

Mais est-ce vraiment nécessaire de faire tout ça? Agir, ne serait-ce qu’en lavant son épicerie, est un excellent moyen de diminuer son anxiété. Et c’est certain que cela diminue le risque. Donc si vous ressentez le besoin de le faire, allez-y! Mais faites attention à ne pas nourrir vos peurs ou les chicanes de famille avec ça : la santé mentale de tout le monde, en ce moment, c’est ultra important!

N‘oubliez pas aussi que le risque de se contaminer de cette manière est quand même mince.

Les virus ne sont pas des micro-organismes vivants, comme les bactéries ou les moisissures. Ils ne peuvent pas se multiplier tous seuls, mais ont besoin pour ça de se loger dans les cellules d’un être vivant. Donc, quand ils atterrissent sur une surface inerte comme du carton ou du plastique, leur concentration va toujours en diminuant.

La quantité de virus que l’on retrouve dans les expectorations d’une personne malade est énorme. Celle sur ses mains est déjà moindre, car les virus n’y sont plus dans leur « bouillon de culture » comme dans la gorge ou les poumons. Cette quantité est nulle quand la personne vient de se laver les mains selon les règles de l’art. La quantité de virus que l’on retrouve sur les objets que ses mains ont touchés quand elles étaient sales est probablement plus basse que sur ses mains sales, et elle diminue au fil du temps.

Alors certes, une personne porteuse du virus pourrait avoir contaminé l’emballage d’un produit que vous avez acheté. Mais pour que son virus vous rende malade, il faudrait :

– que cette personne soit allée ou travaille à l’épicerie

– qu’elle ait projeté le virus dans son environnement en toussant ou avec ses mains sales

– que le virus ait atterri sur le produit que vous avez acheté

– que cela se soit passé dans les jours précédant votre passage à l’épicerie

– que vous ne vous soyez pas lavé les mains après avoir rangé votre épicerie ou après y avoir touché, dans le temps où le virus pourrait encore être présent sur sa surface

– que vous ayez mis vos mains « sales » sur votre visage

– que le virus soit passé de votre visage à vos voies respiratoires

– qu’il s’y soit multiplié.

Cela fait beaucoup d’étapes, et donc beaucoup de chances que la séquence de transmission s’arrête à un moment ou à un autre.

Les mesures prises par les autorités de santé publique visent justement à briser cette séquence. Exiger que toutes les personnes malades ou ayant récemment voyagé restent chez elles plutôt que d’aller travailler ou de se rendre à l’épicerie, exiger la distanciation sociale, demander à tout le monde de se laver souvent les mains et encourager à désinfecter son environnement immédiat plus que d’habitude rendent encore moins probable une contamination par les emballages des produits d’épicerie. Mais plus il y a de gens malades, plus le risque augmente qu’on retrouve le virus un peu partout.

Le lavage fréquent des mains et la distanciation sociale sont plus efficaces que n’importe quoi d’autre pour nous protéger. Chaque nouvelle mesure diminue le risque, et on peut toujours en faire plus, mais les gains peuvent être de plus en plus infimes, pour des efforts toujours plus grands. C’est pour cette raison que les autorités avancent progressivement dans leurs exigences, au fur et à mesure qu’elles voient comment le risque évolue, en fonction du nombre de personnes déjà porteuses du virus et de la facilité avec laquelle celui-ci se transmet.

Pour l’instant, elles n’exigent pas que nous lavions notre épicerie. Peut-être changeront-elles d’avis, selon la manière dont l’épidémie évoluera. Surveillez régulièrement les consignes.

La COVID-19 suscite énormément de questions. Afin de répondre au plus grand nombre, des journalistes scientifiques ont décidé d’unir leurs forces. Les médias membres de la Coopérative nationale de l’information indépendante (Le Soleil, Le Droit, La Tribune,  Le Nouvelliste, Le Quotidien et La Voix de l’Est), Québec Science et le Centre Déclic s’associent pour répondre à vos questions. Vous en avez? Écrivez-nous. Ce projet est réalisé grâce à une contribution du Scientifique en chef du Québec, qui vous invite à le suivre sur Facebook, Twitter et Instagram.