Le groupe sanguin influe-t-il sur la sévérité de la COVID-19?

14 avril 2020
Renaud Manuguerra-Gagné, Québec Science

Le Sang, Échantillon, Laboratoire

Q : « On dit que les gens du type O négatif sont plus résistants face à ce virus. Qu’en est-il vraiment? », demande Charles St-Amand.

R : L’idée tire son origine d’une étude chinoise, parue en prépublication le 27 mars dernier, c’est-à-dire une version qui n’a pas encore été acceptée par une revue scientifique ni révisée par d’autres chercheurs.

En suivant 2173 personnes atteintes de la COVID-19, les auteurs ont remarqué que les individus avec un groupe sanguin de type A étaient davantage infectés par le virus, tandis que ceux du groupe O y semblaient moins susceptibles, suggérant la possibilité d’un effet protecteur.

Or, bien que l’hypothèse soit intéressante, une telle affirmation nécessite beaucoup de données pour être validée. « Le nombre de patients dans cette étude n’est pas assez élevé pour avoir des résultats significatifs, explique Benoit Barbeau, professeur au Département de sciences biologiques de l’UQAM. La corrélation observée entre le groupe sanguin et la sévérité de la maladie peut être fondée, mais elle peut aussi être fortuite, et s’expliquer d’une manière qui n’aurait rien avoir avec le groupe sanguin. »

Ce n’est pas la première fois qu’un lien est établi entre les groupes sanguins et la susceptibilité à une infection par un membre de la famille des coronavirus. À la suite de l’épidémie de SRAS en 2003, une petite étude avait montré que les personnes de groupe sanguin O étaient moins susceptibles d’être infectées que celles des groupes A et B.

La raison? Chaque groupe sanguin possède des anticorps contre les autres types : les A contre les B, les B contre les A, et les O contre les A et les B. Or, d’autres chercheurs ont montré que les anticorps anti-A interfèrent avec la liaison entre le virus du SRAS et sa cible, la protéine ACE2, sorte de porte d’entrée présente entre autres à la surface des cellules pulmonaires.

Ainsi, les anticorps des personnes d’un groupe sanguin autre que A et AB constitueraient un obstacle gênant à l’entrée du virus du SRAS dans les cellules.

Puisque le virus de la COVID-19 emprunte le même chemin, présumer la présence d’un effet protecteur semblable chez certains groupes sanguins est tentant.  « Or, selon les recherches actuelles, il semble que le virus SRAS-CoV-2 est beaucoup plus efficace pour se lier à ACE2 que ne l’était le virus du SRAS, ajoute Benoit Barbeau. On ne sait donc pas si ce mécanisme est présent dans le cas de la COVID-19. » Il semble donc que d’autres travaux soient nécessaires avant de confirmer ou infirmer cette hypothèse.

Pas tous égaux face à la COVID-19?

Plusieurs équipes de recherche essaient de découvrir les variabilités entre les individus conférant ou non une protection contre la maladie. Outre les groupes sanguins, certaines études ont suggéré une influence des gènes du complexe HLA ou des variants du gène codant pour la protéine ACE2.

« Il est possible que ces variabilités influencent le cours de la maladie d’une personne à l’autre, mais ce genre d’affirmation doit être rigoureusement testé, ce qui n’a pas été fait jusqu’à maintenant, explique Vincent Mooser, titulaire de la Chaire canadienne d’excellence en médecine génomique à l’Université McGill. À l’heure actuelle, personne ne connait la contribution du bagage génétique sur la sévérité de la COVID-19. »

C’est pour obtenir cette information de manière fiable et éthique qu’une biobanque québécoise de la COVID-19 a été mise sur pied. L’initiative, née d’un mandat du FRQS et de Génome Québec, permet d’entreposer des échantillons et de partager des données de patients infectés consentants, afin d’étudier les souches virales ainsi que d’éventuelles susceptibilités génétiques et immunologiques.

« Ces données pourront aider à mieux comprendre la maladie, souligne le Dr Mooser, directeur de la biobanque. Les compiler représente un énorme travail d’équipe entre de nombreuses institutions universitaires et hôpitaux ».

D’autres initiatives d’envergure, comme la COVID-19 Host Genetics Initiative, qui rassemble des centaines de scientifiques de par le monde, tentent de compiler rapidement des données génétiques, ce qui pourrait contribuer au développement de techniques d’analyse et avoir un impact sur la prévention et l’élaboration de thérapies.

 

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