Y a-t-il un lien entre la maladie de Kawasaki et la COVID-19?

12 mai 2020
Annie Labrecque, Québec Science

Dormir, Enfant, Sieste, Jeune Fille

Des médecins un peu partout dans le monde signalent des cas de Kawasaki, une maladie connue depuis longtemps et qui affecte les enfants. Certains suggèrent un lien avec la pandémie actuelle de COVID-19. Qu’en est-il?

Comme bien des aspects entourant la COVID-19, il est encore trop tôt pour établir un lien formel, mais les professionnels de la santé surveillent de près l’évolution de cette maladie. Celle-ci touche en grande majorité les bambins âgés de moins de 5 ans. « C’est une inflammation des vaisseaux sanguins, qui affecte plus particulièrement les vaisseaux du cœur », mentionne Dre Rosie Scuccimarri, rhumatologue pédiatrique à l’Hôpital de Montréal pour enfants. Les symptômes sont notamment : fièvre, ganglions enflés, rougeurs au niveau des mains et des pieds. Le taux de mortalité est faible.

Même si l’on connaît et étudie la maladie depuis plus de 40 ans, on ignore toujours ce qui la déclenche. « Cela pourrait être une prédisposition génétique, un facteur environnemental ou une infection bactérienne ou virale », mentionne la médecin.

Des pédiatres ont évoqué un possible lien avec la COVID-19, car certains enfants ont été testés positifs au coronavirus. Le virus déclencherait possiblement le syndrome. Depuis que la population québécoise est en confinement, très peu de virus circulent mis à part le SARS-CoV-2. C’est pourquoi l’on suspecte que celui-ci en serait responsable.

Depuis les dernières semaines, l’Hôpital de Montréal pour enfants a diagnostiqué 3 cas. « C’est un nombre normal de cas pour nous. Nous en voyons de 30 à 40 par année », dit la médecin, qui souligne toutefois que ces trois enfants ont été déclarés négatifs à la COVID-19. La Dre Rosie Scuccimarri attend les résultats de tests sérologiques dans les prochaines semaines. Ces tests détectent la présence d’anticorps dans le sang et détermineront ainsi si les enfants ont été exposés auparavant au coronavirus.

« On voit une augmentation de cas surtout en Europe et sur la côte est des États-Unis. Mais est-ce la COVID-19 qui déclenche la maladie de Kawasaki? Ou est-ce une maladie semblable à Kawasaki qui serait reliée à la COVID-19? On l’ignore encore. Cependant, les enfants atteints du syndrome n’étaient pas tous positifs à la COVID-19. Ce n’est pas clair pour l’instant. Il faudra attendre des études épidémiologiques et statistiques, qui indiqueront s’il y a un lien ou non », convient Dre Rosie Scuccimarri.

Une nouvelle maladie?

Du côté du CHU Sainte-Justine, on note aussi une légère hausse (comparativement au nombre de cas habituel dans une année) avec une vingtaine de cas depuis le début de la pandémie. Ces jeunes patients sont négatifs à la COVID-19 et sont en attente de résultats sérologiques. Cependant, certains d’entre eux n’ont probablement pas eu la maladie de Kawasaki. « Des patients présentaient des symptômes similaires et avaient de gros syndromes inflammatoires », indique Dre Marie-Paule Morin, rhumatologue pédiatrique au CHU Sainte-Justine.

Plusieurs hôpitaux à travers le monde (ici et ici) ont aussi observé que des jeunes sont atteints d’un syndrome similaire à Kawasaki. Il s’agirait peut-être d’un nouveau syndrome qui n’a pas encore de nom, selon Dre Morin. « Il y en a qui sont atteints de la maladie de Kawasaki, mais on en voit d’autres avec seulement certains de ses symptômes. Habituellement, la maladie de Kawasaki se voit chez les petits en bas de 5 ans. Dans les dernières semaines, on a eu des enfants beaucoup plus âgés et même des adolescents », explique la médecin du CHU Sainte-Justine. « On voit une légère hausse du nombre de patients avec le syndrome de Kawasaki, mais aussi une hausse du nombre de patients ayant un syndrome inflammatoire », ajoute-t-elle.

Syndrome facilement traitable

Selon la rhumatologue pédiatrique de l’Hôpital général pour enfants, l’alerte diffusée notamment par les médecins européens permet au personnel de la santé d’ici d’être plus vigilant et à l’affût d’une hausse de cas qui pourrait indiquer un lien entre les deux maladies. Si des enfants présentent ce type de symptômes, leurs parents ne devraient pas éviter les urgences, même en temps de pandémie. « Si l’on attend trop longtemps avant d’aller à l’hôpital, la maladie de Kawasaki peut provoquer des séquelles irréversibles chez l’enfant », prévient la Dre Rosie Scuccimarri.

En effet, il peut y avoir une atteinte cardiaque chez environ 25 % des jeunes non traités, selon la médecin du CHU Sainte-Justine. « Si ça touche les vaisseaux cardiaques, cela provoque une dilatation, un anévrisme ou d’autres formes d’atteintes cardiaques », indique Dre Marie-Paule Morin. Pris en charge, les enfants sont souvent traités avec des immunoglobulines et s’en sortent très bien.

La COVID-19 suscite énormément de questions. Afin de répondre au plus grand nombre, des journalistes scientifiques ont décidé d’unir leurs forces. Les médias membres de la Coopérative nationale de l’information indépendante (Le Soleil, Le Droit, La Tribune,  Le Nouvelliste, Le Quotidien et La Voix de l’Est), Québec Science et le Centre Déclic s’associent pour répondre à vos questions. Vous en avez? Écrivez-nous. Ce projet est réalisé grâce à une contribution du Scientifique en chef du Québec, qui vous invite à le suivre sur Facebook, Twitter et Instagram et du Laboratoire de journalisme de Facebook.

Avec le soutien du Réseau de l’Université du Québec et des Fonds de recherche du Québec.