COVID-19 : ça se confirme pour la perte de goût et d’odorat

3 mai 2020
Jean-François Cliche, Le Soleil

Adulte, Beauté, Visage, Femmes, Fleur

SCIENCE AU QUOTIDIEN / Chaque jour, mes collègues du Centre Déclic et de Québec Science et moi-même répondons à vos questions sur la COVID-19 au meilleur des connaissances du moment. Mais avec les efforts de recherche considérables qui sont consacrés au coronavirus actuellement, ces connaissances-là évoluent très vite. Alors voici deux petites mises à jour, histoire de vous tenir au courant des tout derniers développements!

Langue et pif

La COVID-19 altère-t-elle la capacité de goûter et de sentir? À la fin mars, les autorités sanitaires québécoises ont décidé d’inclure l’« anosmie » parmi les symptômes possibles de ce coronavirus même s’il n’y avait pas encore d’étude disponible à ce sujet — les témoignages d’experts, bien qu’anecdotiques, étaient suffisamment nombreux pour cela, jugeait-on. À la mi-avril, dans un texte sur les symptômes « bizarres » que la COVID-19 provoque, nous écrivions qu’une étude qui venait d’être publiée avait trouvé qu’environ 70 % des patients atteints de la COVID-19 rapportaient une perte de goût et/ou d’odorat, contre seulement 15 à 20 % de ceux qui n’avaient pas ce virus mais qui présentaient des symptômes semblables à une grippe. L’étude était toutefois petite, comprenant seulement 59 personnes ayant le coronavirus.

Et à la fin d’avril, le Journal of the American Medical Association a publié une autre étude portant sur 202 patients qui ont testé positif au SRAS-CoV-2. Résultat : près des deux tiers (64 %) ont eu le goût et/ou l’odorat altéré par la maladie. Notons que cela ne pouvait pas s’expliquer complètement par le fait qu’ils avaient le nez bouché, puisque seulement 35 % ont rapporté ce symptôme.

Alors la piste de la perte de goût et d’odorat semble se confirmer.

En aérosol?

Normalement, cette étude-là parue lundi dans Nature et qui a trouvé de l’ARN (une forme de matériel génétique) de la COVID-19 dans l’air autour des hôpitaux ne mériterait pas une « mise à jour ». Pas à elle seule, en tout cas. Mais elle a connu un tel écho médiatique qu’il vaut la peine d’y revenir brièvement.

L’étude en elle-même est intéressante parce qu’elle ajoute des données pour répondre à la très importante question de savoir si ce coronavirus se transmet surtout par gouttelettes (qui retombent assez rapidement au sol) ou s’il voyage aussi sous forme d’« aérosols », soit des particules beaucoup plus fines qui restent dans l’air longtemps et qui peuvent se rendre beaucoup plus loin que des gouttelettes. Les auteurs ont pris des échantillons d’air en divers endroits dans et autour d’hôpitaux chinois et les ont soumis à des outils de détection extrêmement sensibles. Ils ont alors trouvé l’ARN de la COVID-19 dans plusieurs endroits, en particulier les plus passants.

À première vue, tout cela semble vouloir dire que oui, ce coronavirus voyage sous forme d’aérosols, ce qui serait une très mauvaise nouvelle puisque cela le rendrait plus contagieux qu’on le croit. Le hic, cependant, c’est que cette étude est beaucoup moins concluante que ce que bien des médias en ont fait. D’abord, comme ses auteurs eux-mêmes le précisent, il y a une différence entre trouver de l’ARN du virus et trouver des virus actifs dans l’air. Le simple fait de détecter un peu de matériel génétique de la COVID-19 dans l’air n’est donc pas une preuve que le virus se transmet par aérosols.

En outre, comme l’a indiqué le professeur de médecine de l’Université McMaster Zain Chagla, la même technique a déjà détecté l’ARN d’autres microbes dans l’air comme l’influenza alors qu’on sait que ces maladies ne sont pas aérosolisables. En outre, dit-il, on connaît certains cas particuliers de contagion qui sont plus cohérents avec une transmission par gouttelettes qu’avec la théorie de l’aérosol — notamment une éclosion dans un centre d’appel en Corée du Sud, où un seul étage avait été touché alors qu’on s’attendrait à ce qu’un virus en aérosol se propage à plusieurs étages.

La COVID-19 suscite énormément de questions. Afin de répondre au plus grand nombre, des journalistes scientifiques ont décidé d’unir leurs forces. Les médias membres de la Coopérative nationale de l’information indépendante (Le Soleil, Le Droit, La Tribune,  Le Nouvelliste, Le Quotidien et La Voix de l’Est), Québec Science et le Centre Déclics’associent pour répondre à vos questions. Vous en avez? Écrivez-nous. Ce projet est réalisé grâce à une contribution du Scientifique en chef du Québec, qui vous invite à le suivre sur Facebook, Twitter et Instagram et du Laboratoire de journalisme de Facebook.

Avec le soutien du Réseau de l’Université du Québec et des Fonds de recherche du Québec.