10 mai 2020
Jean-François Cliche, Le Soleil
SCIENCE AU QUOTIDIEN / Tout au long de la crise de la COVID-19, mes collègues de Québec Science et du Centre Déclic et moi-même tentons de répondre à vos questions sur le coronavirus, en tenant compte des découvertes les plus récentes. Mais les connaissances sur cette maladie avancent très vite, alors il vaut la peine de revisiter certaines questions lorsque de nouvelles données deviennent disponibles.
À la fin de mars, je répondais à un lecteur de Sherbrooke qui me demandait si la bronchite qu’il avait faite au début de l’hiver ne pourrait pas avoir été causée par la COVID-19 même si le premier cas confirmé au Québec ne remonte qu’au 27 février. Après tout, faisait-il valoir, avant cette date il se peut que le personnel soignant ait présumé que les cas de pneumonie ne pouvaient pas être causés par le coronavirus et qu’il ne valait pas la peine de faire de test. Des cas auraient pu leur échapper comme ça.
La réponse, grosso modo, était qu’au contraire, le Laboratoire de santé publique et beaucoup d’hôpitaux du Québec ont commencé à tester les cas de « pneumonie atypique » dès la mi-janvier et n’ont rien trouvé. En outre, après le premier cas confirmé du 27 février, il s’est passé plusieurs jours avant qu’un second cas ne survienne (5 mars), puis encore quelques jours pour voir apparaître les cas 3 et 4, tous deux confirmés le même jour (9 mars). Il est possible que quelques cas isolés aient été manqués à la fin de février, mais cette séquence est entièrement cohérente avec un vrai début d’épidémie — si la maladie avait couru longtemps avant le début de la surveillance, on aurait très rapidement trouvé des « grappes » de cas. C’est ce qui est arrivé en Italie, quand le premier cas confirmé (20 février) a été suivi de 35 autres dans les 24 heures suivantes.
Malgré cela, de nombreuses personnes m’ont ensuite écrit pour me dire qu’elles doutaient de ces explications et qu’elles étaient sûres d’avoir fait la COVID-19 en décembre ou en janvier — certaines ont même fait remonter leur « infection » jusqu’en septembre, mais passons.
Or de nouveaux faits pertinents sont apparus à la fin de la semaine dernière. Une équipe du CHU de Sherbrooke et du CIUSSS de l’Estrie a réanalysé 1440 échantillons respiratoires recueillis entre le 1er janvier et le 20 février derniers. Il s’agissait d’échantillons pris pour des tests d’influenza, mais comme il s’agit des mêmes fluides qui servent à détecter la COVID-19, les chercheurs dirigés par le microbiologiste-infectiologue Alex Carignan ont pu s’en servir pour voir si le coronavirus était arrivé en Estrie plus tôt qu’on le croyait.
Dommage, mais bon, cela nous fait tout de même un « point de donnée » supplémentaire sur cette question.
Sur ce même thème par ailleurs, je ne peux m’empêcher de vous recommander la lecture d’un dossier que mon collègue de Radio-Canada Nael Shiab a publié jeudi. Essentiellement, il a eu accès à des données (dénominalisées et agrégées pour ne pouvoir identifier personne) de localisation de près de 8 millions de cellulaire au Québec depuis février à avril. Et ses données suggèrent que, comme l’ont supputé certains analystes, le moment où la semaine de relâche est tombé pourrait effectivement avoir joué un rôle important dans l’épidémie au Québec.
La COVID-19 suscite énormément de questions. Afin de répondre au plus grand nombre, des journalistes scientifiques ont décidé d’unir leurs forces. Les médias membres de la Coopérative nationale de l’information indépendante (Le Soleil, Le Droit, La Tribune, Le Nouvelliste, Le Quotidien et La Voix de l’Est), Québec Science et le Centre Déclic s’associent pour répondre à vos questions. Vous en avez? Écrivez-nous. Ce projet est réalisé grâce à une contribution du Scientifique en chef du Québec, qui vous invite à le suivre sur Facebook, Twitter et Instagram et du Laboratoire de journalisme de Facebook. Avec le soutien du Réseau de l’Université du Québec et des Fonds de recherche du Québec. |