20 mai 2020
Marine Corniou, Québec Science
Pseudo-engelures sur les doigts et les orteils, éruptions cutanées sur le torse ou les membres, vésicules, urticaire : il semble que la COVID-19 se manifeste également par des lésions de la peau chez certains patients.
Plus le coronavirus se répand, plus il apparaît clair qu’il n’attaque pas uniquement les voies respiratoires. De nombreuses observations font état de symptômes neurologiques, cardiaques, gastro-intestinaux, vasculaires…
Et voilà que les rapports sur des manifestations cutanées de la maladie se multiplient à leur tour, au point que l’Association américaine de dermatologie vient de lancer un registre pour répertorier les cas et dresser un portrait complet de ces signes. D’autres sociétés savantes, comme la Société française de dermatologie, ont elles aussi lancé des appels de cas.
Une première étude de cas italienne publiée fin mars avait attiré l’attention en indiquant que 18 patients sur les 88 étudiés présentaient des éruptions cutanées, de l’urticaire ou des lésions ressemblant à la varicelle. Depuis, ces observations se confirment et d’autres signes s’ajoutent.
L’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS) vient d’ailleurs d’effectuer une recension de la littérature scientifique à ce sujet.
« Un nombre augmenté de cas de lésions de type perniose [pseudo-engelure] serait observé chez les enfants, adolescents et jeunes adultes dans le contexte actuel de pandémie de la COVID-19, et ce sans histoire d’exposition au froid. Les patients qui présentent ces lésions sont généralement asymptomatiques ou rapportent quelquefois des symptômes légers similaires à ceux de la COVID-19, survenus préalablement à l’apparition des lésions », souligne entre autres le rapport publié le 12 mai.

Si les enfants semblent plus touchés, notons que des lésions cutanées ont été observées chez des adultes de tous âges.
« Certaines manifestations cutanées semblent plus spécifiques à la COVID-19 et d’autres moins. Les lésions de type « pseudo-engelure » et les éruptions vésiculeuses [de type varicelle] sont probablement celles qui sont les plus spécifiques », explique la Dre Hélène Veillette, dermatologue au CHU de Québec-Université Laval, qui a participé à l’élaboration du rapport de l’INESSS.
Si les dermatologues sont nombreux, partout dans le monde, à observer une augmentation de certains signes habituellement rares, notamment les fameux « orteils COVID » s’apparentant à des engelures, des études plus vastes permettant d’établir des liens de causalité doivent encore être menées.
« Les pseudo-engelures semblent être une manifestation plutôt tardive dans l’histoire de la maladie, reprend la Dre Veillette. Comme le test actuel consiste à rechercher la présence du virus par PCR, il est souvent négatif lors de l’apparition des lésions. Lorsque la sérologie sera disponible, il sera intéressant de voir si ces gens ont effectivement eu le virus récemment. »
Faut-il dépister?
Au Québec, les symptômes cutanés ne sont pas pour l’instant considérés comme des signes de la COVID-19 et ne donnent donc pas lieu à un dépistage.
« Certains médecins et sociétés savantes prônent toutefois le dépistage, d’abord pour identifier les quelques cas qui seraient positifs et ensuite pour mieux documenter cette manifestation et le lien avec la COVID dans notre population », ajoute la dermatologue.
Ainsi, le Programme canadien de surveillance pédiatrique a publié une alerte de santé publique concernant la COVID-19 et les manifestations cutanées chez les enfants. Selon l’organisation, la présence de manifestations cutanées telles qu’une coloration inhabituelle des orteils ou des doigts (teintes bleutées ou blanchâtres, ou zones enflées et rouges de type engelure) devraient inciter les professionnels de la santé à procéder au dépistage de la COVID-19, peut-on lire dans le rapport de l’INESSS.
De leur côté, des médecins italiens soulignaient récemment, dans The Lancet Infectious Diseases, que « les enfants et adolescents présentant des lésions de type engelures, mais étant autrement asymptomatiques, devraient être dépistés pour le SARS-CoV-2, pour aider à détecter les porteurs silencieux. »
Les mécanismes en jeu dans ces lésions doivent eux aussi être élucidés. « Chaque manifestation peut avoir son propre mécanisme, mais pour les pseudo-engelures, c’est certainement un processus vasculaire, précise la Dre Veillette. Par contre, l’atteinte des vaisseaux peut avoir différentes causes à l’échelle cellulaire et cette portion-là est encore mal comprise dans les lésions de type engelure. Dans la plupart des cas où une biopsie cutanée a été effectuée, on retrouvait une inflammation peu spécifique autour des vaisseaux. »
Chose certaine, ce virus joue sur de nombreux tableaux…
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