Pourquoi est-ce pire en Italie?

24 mars 2020
Jean-François Cliche, Le Soleil

Corona, Coronavirus, Virus, Pandémie

Q : « Sait-on pourquoi l’Italie s’est trouvé être le pays le plus touché par la COVID-19 alors qu’on aurait pu croire que d’autres pays avec de plus nombreux liens avec la Chine auraient pu être affectés bien avant? Les Italiens ont prétendu qu’ils testaient plus que les autres, mais est-ce qu’on a des réponses? », demande Mathilde Paul-Hus, de Québec.

R : Essentiellement, répondent les chercheurs en épidémiologie de l’Université Laval Mélanie Drolet et Marc Brisson, « les pays sont plus ou moins touchés selon les mesures de prévention qu’ils réussissent à mettre en place rapidement ». Dans un premier temps, l’idéal pour un pays est de bien identifier et isoler les cas qui proviennent de l’extérieur, mais ce n’est pas facile à faire avec un virus comme la COVID-19, dont une majorité de cas présentent peu ou pas de symptômes.

« En Italie, indiquent Mme Drolet et M. Brisson, la transmission locale a commencé avant que les premiers cas soient identifiés et isolés (possiblement en raison de transmission des personnes qui étaient peu ou pas symptomatique). Une fois que les personnes plus âgées, avec des symptômes plus sévères ont commencé à être malades, ces cas ont été identifiés, mais le mal était déjà fait : le virus circulait déjà dans la population. »

Il s’adonne que l’Italie fut le premier pays occidental à être touché par le coronavirus. Il n’y a pas vraiment de raison pour cela, mais cela implique deux choses. De un, le cas italien semble pire en partie parce que la maladie a juste eu plus de temps pour se répandre. Mais il n’y a pas que cela : c’est réellement pire qu’ailleurs. Alors de deux, il est aussi possible que l’éclosion précoce en Italie explique en partie pourquoi ce pays n’a pas été capable d’imposer des mesures d’isolement social à temps pour diminuer le nombre de gens atteints — son gouvernement, ou sa population, ou les deux, auraient été plus ou moins pris par surprise. C’est du moins une hypothèse qui a été soulevée par divers experts dans le monde.

Quoi qu’il en soit, le résultat fut le même. Les cas ont explosé, les complications aussi, et le système de santé italien a été littéralement submergé, au point de devoir abandonner de nombreux patients sans soins, par manque de moyens. Avec pour conséquence dramatique que le taux de mortalité y est beaucoup plus élevé qu’ailleurs : en date de dimanche, plus de 59 000 Italiens avaient été officiellement diagnostiqués, dont près de 5500 sont décédés. Cela fait un taux de plus de 9 % alors qu’ailleurs dans le monde, il tourne plutôt autour de 1 %  (sauf dans la province chinoise de Hubei, premier endroit touché par la COVID-19, qui fut possiblement pris par surprise lui aussi et où la mortalité avoisine les 4 %).

Il faut dire à cet égard que la population italienne est un peu plus vulnérable que les autres : c’est la plus vieille d’Europe et la seconde plus vieille du monde, après le Japon. Pas moins de 23,3 % des Italiens sont âgés de 65 ans et plus (comparé à 17 % au Canada et 19 % au Québec) — or la COVID-19 tue de 15 à 20 % des plus de 70 ans même dans les pays qui sont toujours capables de les soigner.

En outre, notaient récemment des chercheurs dans la revue savante Demographic Science, les contacts intergénérationnels sont plus intenses en Italie qu’ailleurs en Occident : les adultes y vivent plus souvent avec leurs parents âgés qu’ailleurs, et même quand les générations ne cohabitent pas, beaucoup d’Italiens choisissent de s’établir proche de leurs parents, avec qui ils ont des contacts très fréquents. Cela a pu accélérer la transmission vers les plus vulnérables, et donc augmenter les hospitalisations et les décès.

Mais ce n’était pas une fatalité non plus. Pour en revenir au premier point soulevé par M. Brisson et Mme Drolet, il y a des pays qui, en agissant rapidement et énergiquement, sont parvenus à contenir la propagation. À Hong Kong, Singapour et Taiwan, l’expérience (pénible) des épidémies de SRAS en 2002 et de diverses souches de grippe aviaire dans le passé leur a fait mettre en place un système très efficace d’endiguement, qui implique des quarantaines sévères, un retraçage minutieux de contacts récents des gens infectés, etc. Ainsi, à Hong Kong par exemple, on rapportait en date de la fin de semaine dernière un grand total de 273 cas seulement depuis le début de l’épidémie, et ce en dépit de la proximité de la Chine et des contacts fréquents entre les deux endroits.

 

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