7 avril 2020
Marine Corniou, Québec Science
Un vaccin vieux de plus d’un siècle pourrait-il nous aider à lutter contre la COVID-19? C’est ce qu’on devrait savoir dans quelques semaines, alors que des essais cliniques débutent dans plusieurs pays avec le vaccin BCG.
L’équipe de Mihai Netea notamment, à l’université Rabdoud aux Pays-Bas, vaccinera 1000 professionnels de la santé fortement exposés au SRAS-CoV-2 (500 recevront le vaccin et 500, un placebo). En Australie, 4000 soignants seront enrôlés dans une étude comparable.
Utilisé contre la tuberculose pendant des décennies à partir des années 1920, ce vaccin n’est plus recommandé pour la population générale au Canada, principalement car la tuberculose y est peu présente (sauf dans certaines communautés). C’est toutefois le vaccin qui est le plus utilisé dans le monde : il est administré à 100 millions de nouveau-nés chaque année, surtout dans les pays en développement.
Quel est le rapport entre la COVID-19 et la tuberculose? Il n’y en a pas vraiment. Mais si ce vaccin protège initialement contre la bactérie Mycobacterium tuberculosis, il semble avoir aussi une action protectrice contre plusieurs infections virales. Une sorte d’effet « bonus », qui pourrait aussi fonctionner contre le SRAS-CoV-2.
Un effet antiviral connu
Cet effet antiviral a été constaté à plusieurs reprises par le passé. Une étude de 2005 a ainsi montré que la mortalité des enfants vaccinés par le BCG en Afrique de l’Ouest chutait de 50% comparativement aux enfants non vaccinés – un effet ne pouvant pas être expliqué par la seule protection contre la tuberculose.
En 2014, l’étude de deux cohortes (150 000 enfants au total dans plus de 20 pays) a démontré que l’immunisation contre la tuberculose réduisait de 17% et 37% respectivement le risque d’infections respiratoires.
Même constat en 2018, lors d’une étude menée auprès de 990 adolescents sud-africains, qui a confirmé que les infections respiratoires étaient presque 3 fois moins fréquentes chez les sujets vaccinés récemment contre la tuberculose.
Pourquoi cet effet protecteur?
Les mécanismes de cette mystérieuse protection non spécifique ont été découverts depuis peu par l’équipe néerlandaise de Mihai Netea.
Elle repose sur l’activation par le BCG du système immunitaire inné, cette première ligne de défense de l’organisme qui attaque tous les envahisseurs sans distinction.
On pensait jusqu’à récemment que ce système, composé de globules blancs comme les macrophages, les lymphocytes NK et les neutrophiles, n’avait pas de « mémoire », contrairement à l’immunité adaptative qui se « souvient » des microbes rencontrés par le passé.
L’équipe de Mihai Netea a toutefois découvert en 2016 que le BCG, qui est constitué de bactéries vivantes atténuées, reste actif pendant plusieurs mois sous la peau et stimule ces cellules pendant une longue période. Il induit une immunité innée « entraînée », grâce à des changements épigénétiques et métaboliques. Un peu comme si les défenses étaient dopées aux stéroïdes, et devenaient donc plus efficaces contre tous les agents infectieux. D’autres vaccins vivants, comme celui de la rougeole, pourraient avoir des effets comparables.
Les résultats des études sur la COVID-19 devraient être connus dans 2 ou 3 mois.
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